Pionnier de la biodynamie, Sophie et Pierre Larmandier-Bernier imposent leur gamme originale tout en proposant des champagnes accessibles.
Goûter pour la première fois un verre de Larmandier-Bernier, c’est un peu comme découvrir un pays ou faire une rencontre décisive. L’expérience change son homme. Il y a un avant, pendant lequel vous avez toujours pensé savoir ce qu’était un champagne, et un après, qui ouvre la porte à de nouvelles perspectives. « Notre métier est tout sauf ennuyeux », disent Sophie et Pierre Larmandier-Bernier, vignerons depuis une vingtaine d’années.
C’est que, pour eux, être vignerons leur permet de vivre selon une certaine philosophie. Pionniers de la biodynamie, cette culture n’est pas un effet de style dans leur travail quotidien. Elle résulte, à leurs yeux, du bon sens paysan, qui est bien une réalité. Rares sont, comme eux, les vignerons champenois produisant leurs vins à partir de leurs propres raisins.
Ils possèdent un peu plus de quinze hectares, classés en premiers et grands crus, répartis dans la côte des Blancs, du village de Cramant, au nord, où ils produisent notamment un mono-cru (« La Vieille Vigne du Levant ») ; et à Vertus, au sud, où ils ont installé leurs caves en 2002. Entretenues comme des jardins pas forcément rasés de près, ces vignes provoquent parfois la colère des voisins, gênés par l’herbe où les lapins se plaisent.
« Le vivant dérangerait-il ? », se demande alors le couple qui vinifie en levures indigènes, c’est-à-dire sans générer la fermentation par des intrants extérieurs à la vendange. Leurs choix sont difficiles et exigeants, ils s’inscrivent dans une globalité. Mais c’est le résultat qui compte : voilà un vin absolument différent des autres, d’une personnalité précise, intense, digeste, saine, longue. Littéralement, ça explose.
Seuls maîtres à bord
Les vins sont élevés en foudres ou en fûts, c’est-à-dire dans des contenants en bois en plus ou moins gros, ce qui réclame une hygiène sans concession de la part du vigneron, car il est plus difficile d’obtenir des vins nets dans de tels contenants que dans des cuves en inox, plus faciles à nettoyer et à travailler. Les Larmandier aiment la difficulté, donc. Ils n’en sont pas non plus marginalisés.
Sophie et Pierre ont su imposer leur gamme originale, sans s’inscrire dans une démarche élitiste. Leurs prix restent très corrects, et si leur brut « Longitude » est à 36 euros, leur haut de gamme, « La Vieille Vigne du Levant » est à 59 euros. Chaque cuvée est une expression particulière de ce vignoble original.
On est loin du formatage avec ces vins toujours faiblement dosés, car issus de raisins récoltés mûrs, avec une rigueur exemplaire. Normal, ils sont maîtres à bord. En 2016, par exemple, ils décident de vendanger en deux temps. Ils commencent le 21 septembre à récolter le pinot noir, qui représente 15 % de leur exploitation. Puis ils attendent une semaine pour cueillir leurs chardonnays, arrivés à pleine maturité. Ils finissent le 5 octobre, « sous le soleil ! ».
Cela paraît banal de décrire cet aspect de la production. Pourtant, rien n’est plus rare en Champagne que de maîtriser à ce point sa matière première, quand tant de maisons ne possèdent pas leur vignoble et dépendent de dates de vendanges communales. Là est un secret des Larmandier-Bernier, mais ce n’est pas le seul. Ils bénéficient en aval de caves exceptionnelles creusées dans la craie, idéales pour le vieillissement des vins. Tout cela contribue à créer de petits bijoux à faire scintiller dans nos verres.
Laure Gasparotto
En savoir plus : https://www.lemonde.fr/vins/article/2016/12/08/champagne-larmandier-bernier-ou-la-vigne-en-toute-liberte_5045832_3527806.html